En tant que dirigeant de PME ou TPE, vous avez sûrement déjà entendu dire qu'il faut avoir "un business plan en béton" ou "une vision claire" pour réussir. Et pourtant, l'observation de nombre d'entrepreneurs qui réussissent raconte une toute autre histoire. C'est ce que révèle la méthode de l'effectuation, développée par la chercheuse Saras D. Sarasvathy.
La connaissance insuffisante de la logique entrepreneuriale entraîne souvent l’émergence de mythes, tels que :
L’entrepreneur aime le risque. En réalité, le bon entrepreneur va d’abord définir son risque acceptable puis essayer de maximiser ses gains par rapport à ce risque.
L’entrepreneur démarre avec une grande idée. Sauf rare exception, l’entrepreneur n’est pas un visionnaire. La grande idée n’est pas à l’origine du projet, mais elle se développe au fil du temps.
L’entrepreneur est un prévisionniste. Plus que d’essayer d’anticiper le marché ou de prédire l’avenir, l’entrepreneur agit sur son environnement pour le transformer.
L’entrepreneur est différent. Il existe bon nombre de profils d’entrepreneurs, sans que quelques qualités exceptionnelles émergent. C’est donc plus une question de volonté (se lancer) que de dons intrinsèques.
L’entrepreneur réussit seul. En apparence ou pour le grand public, peut-être. Mais pas de réussite sans une équipe qui apporte des compétences complémentaires. L’entrepreneur est d’abord (surtout ?) un meneur d’hommes.
Imaginez que vous deviez préparer un repas pour des invités ce soir. Vous avez deux options :
L'effectuation, c'est cette deuxième approche : partir de vos ressources existantes pour créer de la valeur, plutôt que de vous fixer des objectifs abstraits qui nécessiteront des ressources que vous n'avez pas encore.
Le principe : Au lieu de vous fixer des objectifs abstraits, concentrez-vous sur vos ressources disponibles :
- Qui vous êtes (vos compétences, votre expérience) ;
- Ce que vous savez faire (votre expertise technique) ;
- Qui vous connaissez (votre réseau professionnel).
Un exemple: Marina crée sa petite entreprise de formation en langues. Au lieu de se lancer dans le développement coûteux d'une plateforme e-learning complète, elle commence par enregistrer ses cours en vidéo avec son smartphone et les partage via un groupe WhatsApp privé. Cette approche lui permet de tester le concept sans investissement majeur.
Le principe : Oubliez les projections de retour sur investissement à 5 ans. Concentrez-vous plutôt sur ce que vous êtes prêt à investir (temps, argent, énergie) sans mettre en danger votre entreprise.
Un exemple: Marc, propriétaire d'un petit restaurant, veut se lancer dans la livraison à domicile. Au lieu d'investir dans un véhicule équipé, il décide de louer un seul scooter électrique pour tester le concept pendant trois mois. Si ça ne marche pas, sa perte sera limitée et ne mettra pas en danger son activité principale.
Le principe : Comme pour un patchwork, le motif final n'est pas connu à l'avance et dépend des parties prenantes qui s'engagent volontairement dans le projet. Chaque nouvelle collaboration peut ouvrir des opportunités inattendues.
Un exemple: Valentina dirige une petite entreprise de cosmétiques naturels. Au fil des rencontres, elle s'associe avec un apiculteur local pour sa production de miel, collabore avec un laboratoire qui cherchait à tester de nouvelles formules et trouve un débouché inattendu dans les spas d'un réseau hôtelier. Chaque partenariat a enrichi son projet d'une manière qu'elle n'aurait pu planifier initialement.
4. Transformez les surprises en opportunités
"La limonade"
Le principe : Quand la vie vous donne des citrons, faites de la limonade ! Les imprévus ne sont pas des obstacles mais des occasions de réinventer votre approche.
Un exemple: Richard dirige une entreprise de menuiserie. Pendant la crise sanitaire et la baisse des chantiers traditionnels, il remarque une demande croissante pour les bureaux à domicile. Il réoriente rapidement une partie de sa production vers du mobilier de bureau sur mesure, transformant une contrainte en opportunité.
5. Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler
"Le pilote dans l'avion"
Le principe : Au lieu de tenter de prédire l'avenir de votre marché, focalisez-vous sur les actions concrètes que vous pouvez entreprendre aujourd'hui. C'est vous qui êtes aux commandes, pas les études de marché.
Un exemple: Bérangère dirige une boutique de prêt-à-porter. Au lieu de suivre aveuglément les tendances prédites par l'industrie et les médias, elle dialogue quotidiennement avec ses clientes, ajuste ses commandes en temps réel selon les retours et s'appuie sur des mini-collections test avant de s'engager sur de gros volumes.
Prenons l'exemple de Gauthier qui dirige une petite imprimerie.
Ses ressources initiales (un tien vaut mieux que deux tu l'auras):
- les machines d'impression ;
- son expertise en impression de qualité ;
- une base de clients fidèles.
La perte acceptable qu'il se définit:
- une limitation de son budget marketing à 5000€ ;
- 20% du temps de production pour tester de nouveaux services.
Ses partenariats (Patchwork fou):
- l'alliance avec un graphiste freelance ;
- la collaboration avec une agence web locale ;
- Un partenariat avec un relieur artisanal.
Une adaptation aux "surprises" (Limonade)
- Demande croissante d'impression d'albums photos personnalisés d'où développement d'une offre spécifique pour ce marché.
Le Contrôle actif (Pilote)
- Des tests de différents formats et offres ;
- L'ajustement constant selon les retours clients ;
- La formation continue de l'équipe aux nouvelles tendances.
Mettre en œuvre l'effectuation dans votre entreprise
- listant vos actifs matériels et immatériels ;
- identifiant vos réseaux et partenaires potentiels ;
- évaluant vos compétences spécifiques.
- Quel budget pouvez-vous allouer aux nouveaux projets ?
- Quelles ressources pouvez-vous réaffecter sans risque ?
- organisant des cafés-discussions avec vos clients clés ;
- consultant vos fournisseurs principaux pour évoquer de nouvelles opportunités ;
- instaurant des sessions de brainstorming avec vos employés.
L'effectuation n'est pas une méthode magique, mais une approche pragmatique bien adaptée aux PME et TPE. Elle vous permet d'avancer pas à pas, en minimisant les risques et en maximisant l'utilisation de vos ressources existantes.
En tant que dirigeant, elle vous libère de la pression du "grand plan parfait" et vous permet de construire votre succès de manière progressive et maîtrisée, en vous appuyant sur ce que vous avez déjà.
Un grand merci à Philippe Silberzhan, professeur de stratégie à l’EM Lyon Business School, qui m'a fait découvrir l'effectuation il y a déjà quelques années.
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